L’art d’être heureux par gros temps – synthèse

Jean SALEM, 12 janvier 2007

Merci, monsieur Salem, pour votre propos à la fois érudit et engagé.

En un préambule méthodologique et polémique, vous vous en prenez à l’idée de bonheur guimauve qui domine aujourd’hui l’édition comme les esprits, mais aussi vous présentez vos trois « idées fixes », dites-vous : le bien-être du corps, la paix de l’âme et l’engagement dans la lutte.

Vous vous attachez, en un premier temps, à la définition du bonheur pour retenir, par delà les variations, qu’il est le souverain bien que tous les hommes ont fini par revendiquer comme un droit en notre modernité démocratique.

Puis, aux conceptions religieuses et même philosophiques qui situent le bonheur dans l’au-delà (et vont parfois jusqu’à exalter la souffrance), vous opposez l’évidence selon laquelle le simple fait d’exister est un bien (en référence, notamment, au Rousseau des Rêveries du promeneur solitaire), ce dont les petits enfants et même les animaux, dites-vous, peuvent être le vivant témoignage (comme y insistent les matérialistes du XVIIIe siècle, disciples en cela d’Epicure).

D’un point de vue plus éthique, vous poursuivez en évoquant le fameux « Mangeons et buvons car demain nous mourrons », pour bien distinguer ceux qui s’en offusquent au nom de la vertu et ceux qui tirent cette prudence de la conscience de la finitude humaine.

Puis vous en venez à des remarques proprement épicuriennes, relatives notamment à la thèse selon laquelle « la mort n’est rien pour nous » (ce qui peut être démontré, insistez-vous), mais relatives aussi à des techniques du bonheur comme la limitation du désir, la distanciation d’avec le spectacle ou la représentation du malheur, ou encore le dépaysement et le ressouvenir des jours heureux.

Pour conclure, vous faites notamment référence à Kant, mais pour déplacer le respect à l’égard de la loi morale vers le respect de soi-même auquel appelle le sage antique qui sait ce que signifie le véritable héroïsme, qui ne réside peut-être pas dans la mortification ni a fortiori dans le suicide. Finalement, vous réservez pour notre débat quelques thèmes à mettre en tension avec le bonheur : la création artistique, le travail, mais aussi la lutte collective pour des jours meilleurs.

 

Joël GAUBERT