Si la condition humaine est bien faite de vulnérabilité et de pluralité, la bientraitance ne doit-elle pas avoir pour souci premier de travailler à satisfaire à la survie d’une vie toujours menacée par le mal-être, la maladie, le handicap, le vieillissement et la fin de vie ? Mais cette bientraitance, d’acception toute technique, pour ne pas risquer de s’inverser, paradoxalement, en maltraitance au nom de la performance efficace, ne peut et doit-elle pas se soucier aussi, et surtout, de maintenir et même de restaurer une relation de vie partagée, susceptible d’œuvrer à la reconnaissance de la dignité de la personne souffrante et dépendante ?
Cependant, une telle conception et pratique de la bientraitance ne risque-t-elle pas, à son tour, de redoubler cette dépendance et donc cette souffrance, en s’abîmant, cette fois, dans une compassion se justifiant de la bonne conscience d’être expressément et généreusement octroyée ? Pour éviter une telle dérive, le soin bientraitant ne doit-il pas se montrer soucieux de restaurer ou même d’instituer une véritable subjectivité, susceptible de recouvrer l’estime de soi en redoublant la conscience d’être vulnérable de la confiance d’être capable d’agir en vue d’une vie bonne avec autrui selon des institutions justes (et cela aussi bien chez l’agent soignant que chez le patient soigné) ?
Notre propos s’essaiera donc ici à reconduire l’apparition récente du signifiant de « bientraitance » dans la légalité et l’action médico-sociales à ce qui lui confère son signifié le plus exact, en référence aux trois fondations historiques et théoriques des sciences et techniques de l’homme (analytique, herméneutique et critique), qui ne viennent pas de sortir, elles, mais qui demeurent encore trop souvent méconnues comme telles aujourd’hui, et cela en vue d’un gain de légitimité théorique et d’effectivité pratique de la bientraitance.
Joël Gaubert, le 29 août 2018