politesse et société – synthèse

Michel MALHERBE, 19 novembre 2010

Merci, Michel Malherbe, pour votre méditation à la fois instructive et suggestive.

Vous commencez par distinguer deux mondes, celui de là-haut (des saints) et celui d’ici-bas (des mondains), la tâche des hommes étant de faire de celui-ci un véritable monde, un cosmos humain qui résiste au chaos qui pourtant l’habite, et ce par-delà les illusions moraliste (la volonté bonne), économiste (le marché) et politique (la volonté générale), illusions modernes et encore contemporaines.

Vous en venez alors, en un second temps, à la solution qui semble-t-il fait fureur aujourd’hui, si l’on en juge par la bruyante référence faite au care : « créer du lien social ». Mais, peut-on créer le lien social ? Si oui, comment, demandez-vous, surtout que le sens social – ou la socialité – ne semble pas être réellement spontané, chacun exigeant d’être reconnu selon son propre droit, ce qui mène à la guerre de tous contre tous. Il faut donc commencer par polir les hommes, leur donner du goût pour leurs semblables, le problème étant ici que l’apprentissage de la politesse, ou le polissage, demande patience et longueur de temps, les mœurs se civilisant et se moralisant par l’entrechoc des corps comme des esprits. Cela nécessite quand même l’application de règles, mais qui satisfassent aux émotions et passions du soi humain, bien plutôt que de le heurter, l’efficacité de la règle de politesse tenant plus à sa forme qu’à son contenu, et relevant de l’usage, qui est de l’ordre de l’imitation et nécessite la sympathie.

Vous en venez donc, en un troisième temps, à la manière qui caractérise la socialité, la politesse de cœur empêchant que la manière ne s’aliène dans les manières, cette politesse devant composer avec les passions, notamment celles de l’amour de soi et de l’amour-propre, par la médiation d’un système général de signes qui relève de la convention, la politesse étant d’ordre à la fois naturel et culturel. La véritable politesse du cœur est alors d’honorer l’autre dans son amour-propre, dites-vous fermement en référence à Bergson mais aussi à Locke, tellement chacun d’entre nous a besoin de la reconnaissance chaleureuse des autres.

Vous en arrivez alors à votre quatrième et dernier point, qui pose que la politesse ainsi comprise et pratiquée dépasse la simple civilité, en ce qu’elle est une adresse élective, le risque étant que le geste ou le signe ne soit pas reçu ou reconnu par l’autre, le soi qui est à l’initiative de l’acte de politesse devant alors s’estimer soi-même suffisamment, ou témoigner de quelque courage pour initier l’échange et aboutir à la réciprocité des ego, ce qui nécessite la référence au tiers que constitue la compagnie. La logique ou la dialectique de l’estime exige alors d’estimer l’autre plus que soi-même et selon son mérite, ce qui entraîne les deux protagonistes d’une telle politesse dans un processus de perfectionnement qui les fait tendre à l’excellence (ce que vous illustrez en référence aux rapports entre hommes et femmes).

Mais est-ce assez pour faire un lien social, demandez-vous en conclusion, ce qui nécessite une certaine idée de l’humanité, l’humanité des hommes relevant du processus intensif de leur humanisation, la politesse constituant alors un opérateur par excellence et d’excellence ?

Joël GAUBERT