Jean-Marie Lardic, 21 mai 2010
Merci, monsieur Jean-Marie Lardic, pour votre propos instructif et incisif, et donc stimulant.
Vous commencez par attirer notre attention sur la polysémie du concept de « peuple » dont il faut user de façon critique et non pas dogmatique, le danger du populisme l’emportant sur celui du communautarisme, insistez-vous, sans du tout remettre en cause le principe même de la souveraineté populaire dont la prétention à l’universalité abstraite peut, cependant, nuire à la liberté concrète des individus, alors que la communauté comme particularité historique est susceptible de médiatiser les rapports de l’universalité institutionnelle et de la singularité personnelle.
Vous nous proposez, alors, une généalogie de la notion de « peuple » qui mène du sens de « peuple élu de Dieu » à celui d’une communauté qui ne s’identifie pas à l’État, l’erreur des Temps modernes (selon Hegel notamment) consistant à séparer l’extériorité publique et l’intériorité privée, l’État n’étant pas un universel abstrait – ou une coquille vide – et la religion n’étant pas réductible à la conscience individuelle. L’État et la ou les communautés entrent alors en confrontation, la pluralité ou diversité des communautés religieuses appelant l’État à les tolérer, l’individu pouvant alors jouir à la fois de la sécurité publique et de la spiritualité privée, bien au-delà de ce que la seule société civile permet.
Cela vous en fait venir aux rapports de la communauté et de l’individu, l’oubli de la particularité altérant la singularité elle-même, insistez-vous, ce qui pose le problème de la reconnaissance par l’État de l’individu comme singularité abstraite (selon les droits de l’homme) ou bien, plutôt, comme membre d’une communauté concrète (problème qui s’est notamment posé à l’égard des Juifs), l’État devant ici juger ce qui dans la particularité elle-même est émancipateur pour la singularité, distinguant alors les véritables religions des simples sectes, l’État et la religion s’aidant ainsi réciproquement à s’accomplir chacun selon son propre genre. C’est alors que peut advenir un universel véritablement concret, qui peut sauver les hommes et les citoyens du danger d’un peuple qui prétendrait à l’universalité abstraite, ce qui pourrait mener jusqu’au totalitarisme.
Vous concluez alors fortement que seule une telle conception des rapports de l’État, de la communauté et des individus permet à ceux-ci de s’accomplir comme des êtres libres.
Joël GAUBERT