Opinion, idéologie et science

Conférence de Michel-Elie MARTIN, 14 février 2024

L’institution d’une science semble passer par une mise à distance critique de l’opinion, de la connaissance commune et de toute idéologie entendue au sens large comme une représentation symbolique illusoire de la réalité. De plus, la dynamique même d’une science progressant dans l’accumulation des vérités objectives et assortie de la réforme de ses propres principes semble également exclure tout résidu idéologique et toute manière de penser commune.

Mais à cette vision discontinuiste de l’institution et de la dynamique de la science, on pourrait opposer la continuité nécessaire entre la connaissance commune, l’expérience immédiate et la connaissance scientifique. De plus, on pourrait arguer que les méthodes des sciences s’animent nécessairement de pensées philosophiques et que la science suscite elle-même des philosophies. Or ces philosophies ne sont-elles pas des idéologies ? Loin donc de rompre définitivement avec l’idéologie, la science serait, tout à la fois imprégnée d’idéologies et base d’élan pour de nouvelles idéologies. Enfin, à partir d’une branche de la sociologie des sciences, une critique radicale de la connaissance scientifique peut soutenir que la science elle-même n’est qu’une forme de rhétorique offrant des récits, que l’on pourrait alors rapprocher des mythes.

Les enjeux de la conférence consisteront dans la préservation du statut de la connaissance scientifique : contre sa prétendue continuité avec la connaissance commune et l’expérience première ; contre sa responsabilité dans l’émergence d’idéologies philosophiques tout en admettant le rôle positif de certaines idéologies de scientifiques dans la méthodologie des sciences ; contre, enfin, la réduction de la connaissance scientifique à une simple rhétorique.