Faut-il vouloir la paix à tout prix : le texte

Joël Gaubert,21 novembre 2003

Par delà la question de savoir s’il faut ou non vouloir la paix à tout prix, ce qui est ici en jeu c’est l’essence et l’existence de la paix, mais aussi et surtout son sens pour l’existence humaine : quel rôle la référence théorique à la paix et l’instauration pratique de celle-ci peuvent-elles et doivent-elles tenir dans l’accomplissement de l’humanité par la médiation des institutions qu’elle se donne dans son histoire, notamment en notre moment historique singulier où l’idéal moderne de paix universelle et perpétuelle semble être bien mis à mal par la recrudescence des guerres de tous ordres (dont le fameux « choc des civilisations » mais aussi l’insatisfaction chronique des hommes contemporains à l’égard du monde, des autres et d’eux-mêmes) ? Si par paix on entend un état de repos et même de quiétude qui permet aux hommes de survivre, de vivre ensemble et même de vivre bien, comment pourrait-on et même devrait-on ne pas la vouloir à tout prix ? Ne peut-on penser, en effet, que la paix constitue le bien souverain, la fin ultime, qu’il faut impérativement vouloir mais aussi instituer par tous les moyens, jusqu’au sacrifice d’autres biens, voire de tous les autres biens si nécessaire ? L’histoire effective des hommes n’en témoigne-t-elle pas puisqu’elle ne commence réellement que par un contrat social qui vise à instituer la paix comme étant susceptible de mettre fin à la guerre de tous contre tous qui figure le mal suprême, cette histoire semblant de plus en plus, depuis l’avènement des Temps modernes culminant avec les Lumières, faire de la paix la fin d’une histoire qui l’administrerait de façon universelle par la médiation du droit ?

Cependant, cette même expérience historique ne montre-t-elle pas qu’à vouloir la paix à tout prix les hommes finissent, individuellement et collectivement, par aliéner ce qui fait le plus propre de leur humanité : la liberté mais aussi l’égalité et la fraternité qu’elle fonde, en leur préférant une paix pour le moins paresseuse et pour le plus lâche ? Pire encore, la prétention à la supériorité et surtout à l’exclusivité d’une volonté subordonnée à l’Idée de paix ne finit-elle pas, de façon ouverte ou insidieuse, par administrer une violence, physique ou symbolique, qu’elle prétend pourtant elle-même épargner aux hommes pour les en détourner radicalement, notamment en mettant définitivement fin à la guerre ? N’est-ce pas au nom même de la paix et de son extension internationale que des États démocratiques justifient aujourd’hui le droit et même le devoir d’ingérence voire la « guerre préventive », qui pourrait bien n’être que le masque d’une nouvelle expansion impériale ? Cela même ne témoignerait-il pas d’une irréductible conflictualité de la réalité humaine qui pourrait justifier que l’on préfère la guerre à la paix ?

I – Il semble bien, tout d’abord, qu’il faille vouloir la paix à tout prix en ce qu’elle est le bien souverain dont la recherche et l’instauration permettent l’accomplissement de l’humanité (thèse idéaliste pacifiste).

1 – La paix advient au monde (des hommes) comme une exigence (un devoir-être faisant l’objet d’une représentation : d’une Idée de droit) qui s’oppose à l’existence de fait de la guerre : la guerre est de situation, la paix est d’institution.

Mais si la finitude est bien de l’essence de l’homme, est-elle la condition exclusive de l’humanité et donc la guerre son indépassable destin ? Non car si l’homme est bien un être en soi fini, il est aussi un être pour soi capable de se représenter son être-au-monde (dans le monde), par la médiation de sa conscience ou faculté symbolique, pour se mettre en face du monde et de lui-même et imaginer ou concevoir un autre état du monde et des hommes comme étant préférable à l’état de guerre. C’est ainsi par écart à l’égard de cette situation guerrière de fait et de la peur du mal qu’elle engendre (mal actuellement subi ou potentiellement imaginé, notamment la mort violente) que la paix émerge dans l’existence humaine et même mondaine (selon Hobbes notamment). Par opposition ou compensation au mal (ce qui est mais qui devrait ne pas être en ce qu’il porte atteinte à l’intégrité physique et psychique des hommes et à l’ordre même du monde et donc constitue un non-sens), la paix apparaît comme un bien, c’est-à-dire « ce en vue de quoi il faut vivre pour bien vivre » (comme le dit Aristote).

La condition humaine est marquée par la finitude en ce que l’homme est un être-au-monde constitué de besoins et de désirs qui le mènent destinalement à des rapports de concurrence et même de conflit avec ses semblables pour le partage des biens du monde (qui sont rares, au moins relativement et dans un premier temps), ce en vue de l’efficience pour la survie et de la reconnaissance pour la vie commune. La violence de la guerre de tous contre tous est donc structurellement inscrite dans la réalité humaine ou encore dans l’état de nature de l’humanité, c’est donc sa potentialité ou sa possibilité essentielle sinon toujours son actualité conjoncturelle (sauf à ignorer la finitude constitutive de la condition humaine et à considérer l’homme comme étant essentiellement et même exclusivement bon par nature et le monde toujours déjà abondant ou en tout cas suffisant à la satisfaction des besoins et désirs de tous, ce que même Rousseau ne tient pas). Mais si la paix est un bien, est-elle un bien quelconque parmi les autres ?

2 – La paix n’est pas seulement un bien mais le bien souverain en ce qu’elle est la condition de possibilité de tous les autres biens qu’elle suffit à engendrer et même qu’elle inclut ou comprend.

En effet, la paix est d’abord représentée par l’esprit humain (sous forme d’image sensible ou d’idée intelligible) comme une cessation des conflits interindividuels et collectifs et donc comme un état de repos et de quiétude qui serait comme tel susceptible de procurer la conservation et la reproduction (notamment sexuelle) de soi comme de l’espèce (la subsistance donc) par la médiation de l’expression de soi et de la communication avec autrui (la reconnaissance donc, qui fonde la vie commune) et même le respect mutuel des hommes comme des personnes d’égale dignité et liberté (ce qui fonde la vie bonne). Les trois dispositions originelles de la nature humaine au bien (selon Kant ici) se trouveraient ainsi satisfaites : la disposition de l’homme à l’animalité en tant qu’être vivant (visant à la survie), sa disposition à l’humanité en tant qu’être vivant et raisonnable (visant à la vie commune) et sa disposition à la personnalité en tant qu’être raisonnable et responsable (visant à la vie bonne). La paix serait donc ainsi au principe (à l’origine chronologique et au fondement axiologique) de la sécurité, de l’égalité et de la liberté, et donc finalement du bonheur, en remédiant aux vices naturels des hommes (la grossièreté, la brutalité, l’intempérance) mais aussi à leurs vices culturels (l’amour propre, l’envie, l’ingratitude, le ressentiment, ou encore la bêtise et la méchanceté).

Mais cela ne nécessite-t-il pas que la paix passe de l’état de représentation psychique (sensible et intelligible) à l’état d’institution historique par la médiation d’une parole partagée et d’une action concertée, c’est-à-dire qu’elle fasse l’objet d’une volonté susceptible de la rendre effective, de la réaliser et donc, à proprement parler, capable de faire la paix ?

3 – Il faut donc impérativement se détourner de la guerre et même la combattre pour cultiver la paix, l’instituer et la préserver par tous les moyens (essentiellement par le droit, bien entendu) pour la mettre au fondement du bien vivre ensemble et personnel (la paix donnant alors sens, en et par elle-même, à l’existence humaine et au monde lui-même).

Le passage de l’état (ou étage) de nature de la violence guerrière à un état (ou étage) de culture garantissant la paix nécessite la médiation d’un exercice commun de la faculté symbolique de représentation mais aussi d’énonciation, de parole partagée, ainsi que d’action concertée en quoi consiste précisément le contrat social, c’est-à-dire l’échange langagier de promesses mutuelles à égalité de droits et de devoirs, ce qui comporte la capacité mais aussi l’obligation de faire de la paix l’objet d’un jugement, d’une décision qui la choisit de préférence à la guerre, ou même à d’autres biens qu’elle, c’est-à-dire l’objet d’une volonté instruite et responsable (et non pas ou plus un vague objet du désir comme simple représentation sensible), c’est-à-dire finalement un objet de la raison théorique (une Idée) et de la raison pratique (un Idéal). C’est alors que la paix peut et surtout doit faire l’objet d’un impératif (« il faut vouloir la paix ») qui ne soit pas seulement ni même essentiellement hypothétique technique (« si tu veux la survie alors il te faut vouloir et faire la paix ») ni même seulement pragmatique (« si tu veux la vie commune alors il te faut vouloir et faire la paix », mais essentiellement voire exclusivement catégorique et proprement pratique ou moral : « Il faut vouloir la paix comme souverain bien », autrement dit comme fin en soi et non pas comme moyen d’autre chose, comme la subsistance ou la reconnaissance par exemple. C’est alors essentiellement par la médiation du droit, entendu et pratiqué comme exercice de la raison susceptible de rendre compossibles (possibles ensemble) la liberté et l’égalité de tous et de chacun, qu’une telle paix peut et doit être instituée, sur le plan national (par le droit civil), puis surtout entre les États-nations (par le droit des gens ou international) mais aussi entre les individus et les États (par le droit cosmopolitique). Une paix qui ne soit pas seulement une trêve, un armistice ou encore un cessez-le-feu, c’est-à-dire un événement conjoncturel, particulier et contingent, et donc une simple parenthèse entre deux guerres (ou encore : une continuation de la guerre euphémisée par d’autres moyens), mais une paix qui soit une structure essentielle (un genre de vie réglé, solidifié par l’état de droit national et surtout international) visant à rendre la guerre impossible en la mettant définitivement hors la loi, c’est-à-dire une paix positivement universelle (dans l’espace) et donc perpétuelle (dans le temps) et qui serait susceptible de donner positivement sens à l’existence humaine, collective mais aussi personnelle (notamment en amour et en amitié), en rendant commensurables ou adéquates les dispositions et aspirations humaines subjectives les plus profondes et le sort objectif, effectif, des hommes dans le monde. On reconnaît là l’aboutissement républicain, chez le Rousseau du « Contrat social » et le Kant du « Projet de paix perpétuelle » pour l’essentiel, du travail de pensée de ce que l’on appelle « l’école moderne du droit naturel » (initiée par Hobbes, Grotius, Locke et d’autres), qui témoigne du souci de « la philosophie face à la guerre », souci qui a émergé d’un contexte historique particulièrement violent (notamment du fait des guerres modernes de religion) pour tâcher de penser cette violence et d’y remédier en retour. Cet Idéal des Lumières de « la paix par le droit » s’est montré suffisamment consistant et convaincant théoriquement pour donner naissance à de puissants mouvements pacifistes résistant et même s’opposant à la violence belliciste, et suffisamment effectif pratiquement pour s’inscrire dans l’histoire, comme chacun le sait, en informant (donnant forme à) notamment la Société des Nations au sortir de la première guerre mondiale puis à l’Organisation des Nations Unies au lendemain de la seconde guerre mondiale, pour que « plus jamais ça » ne se reproduise. C’est encore ce même idéal qui est invoqué aujourd’hui par les démocraties contemporaines pour résister au et même combattre le mal administré par une nouvelle forme de violence déchaînée ou de guerre détachée de toute référence à quelque droit que ce soit (national, international, cosmopolitique et même éthique), sinon un droit d’ordre prétendument divin : le terrorisme sans frontière ni même drapeau, c’est-à-dire sans limite d’aucune sorte et donc absolument nihiliste. Une telle cause (la réalisation d’une paix universelle et perpétuelle) ne justifie-t-elle pas, en effet, qu’on la veuille à tout prix, en tant que souverain bien et par tous les moyens, essentiellement voire exclusivement par le droit (positif et surtout moral, pour éviter l’usage de la force qui risque de reconduire à la violence et donc de l’augmenter), ou bien éventuellement par le recours à une force qui serait tellement réglée par la référence qui l’instruit et l’oriente, à savoir les droits de l’homme et du citoyen, qu’elle serait susceptible d’être efficace tout en évitant d’être violente, comme dans les stratégies de non-violence, défensive bien sûr (comme chez Gandhi) mais aussi, le cas échéant offensive, en tant que « préventive », ce jusqu’à l’intervention voire la « guerre humanitaire », avec « option zéro mort » (surtout dans ses propres rangs). Mais une telle thèse, qui fait de la paix le souverain bien et donc l’objet d’une volonté catégorique impérative (« à tout prix »), ne repose-t-elle pas sur une illusion concernant la nature des hommes notamment (qui seraient des loups les uns pour les autres) mais aussi les rapports internationaux (dont les relations de « puissances » seraient irréductiblement violentes), illusion dommageable même en ce qu’une telle volonté désarmerait ceux qui la partagent ou bien, au contraire, leur ferait prendre les armes pour administrer violemment leur conception de la paix « urbi et orbi » à tous ceux qui n’en veulent pas (comme on le voit aujourd’hui) ? Cela même ne témoigne-t-il pas de l’irréductible conflictualité de la réalité humaine, ce qui pourrait justifier que l’on préfère la guerre à la paix ?

II – Non, il ne faut pas vouloir la paix à tout prix en ce qu’une telle volonté (qui fonde la thèse pacifiste) comporte des limites et même des pathologies qui font que l’on peut et même doit préférer la guerre à la paix en vue de l’accomplissement historico-politique et même juridico-éthique de l’humanité (thèse réaliste belliciste).

1 – l’Idéal des Lumières de « la paix par le droit » ne présente-t-il pas des limites et même des pathologies ?

La thèse pacifiste, qui fait de la paix le bien souverain et de la volonté de paix un impératif catégorique, n’a-t-elle pas pour le moins témoigné de ses limites politiques historiques, l’Idéal des Lumières de la paix par le droit s’étant montré inopérant dans l’adversité du contexte violemment guerrier de ces deux derniers siècles, pendant lesquels c’est la guerre elle-même qui est devenue un fait total (économique, social, politique et symbolique),  sans frein et sans frontière matérielles ni morales à l’intérieur (guerres civiles) comme à l’extérieur (guerre internationales et même mondiales : tout étant désormais permis et même possible) : c’est la guerre et non pas la paix qui est devenue perpétuelle et universelle, le phénomène majeur de notre époque marquée par la domination totalitaire, l’extermination génocidaire, la menace nucléaire et maintenant le terrorisme planétaire sans visage ni limites. Bref : l’idéal de la paix par le droit n’a pas su ni pu empêcher un tel retour de l’état de nature de la guerre de tous contre tous, qui s’est démultipliée avec la complexification et la différenciation croissantes des sociétés modernes (sous le coup du développement des sciences et des techniques notamment), inscrivant ainsi la barbarie au sein même de la culture (contrairement à la sauvagerie, qui précède la culture).Plus encore, la volonté de paix à tout prix ne s’est-elle pas montrée complice de ce devenir-monde de la guerre, au moins par lâcheté et soumission, à la fois pour ce qui est des institutions (les démocraties qui s’en réclament ne sont-elles pas frappées par le syndrome de « l’esprit de Munich » face au diktat de la loi du plus fort autoritaire ou totalitaire ?), mais aussi au niveau des peuples eux-mêmes, l’opinion publique préférant souvent à l’assomption d’une liberté qui ferait encourir le risque de la mort une paix d’esclaves soumis à leurs maîtres (qu’ils soient étrangers ou indigènes, comme dans la servitude volontairement consentie voire désirée, qu’elle soit totalitaire ou même démocratique, comme en témoigne le fameux slogan « Plutôt rouges que morts », c’est-à-dire : plutôt serfs que de risquer la mort en résistant !) ? Encore plus, l’Idéal de la paix par le droit ne relèverait-il pas d’une idéologie qui exprimerait tout en la masquant une volonté de puissance qui déploierait la violence guerrière au nom du droit pacificateur : contrairement aux arguments kantiens, semble-t-il, l’histoire de ces deux derniers siècles nous apprend que les États républicains ne se montrent pas moins guerriers que les autres, notamment sous le coup de la perversion du principe national en nationalisme, que la mondialisation capitaliste des échanges, bien loin d’adoucir les mœurs, engendre de nouvelles formes d’inégalité et de servitude et donc d’antagonisme qui généralisent la logique guerrière (comme en témoigne l’inflation actuelle de la sémantique belliqueuse : on parle désormais sans vergogne de « guerre économique » ou encore de « guerre des sexes »), et que le principe du débat public lui-même se trouve perverti par l’extension exponentielle d’un système médiatique administrant une domination symbolique qui semble de plus en plus irrésistible (comme en témoigne la guerre que les États-Unis d’Amérique font actuellement à l’Irak en se parant du manteau des droits de l’homme et du citoyen jusqu’à s’auto-proclamer « Empire du bien » pour administrer leur puissance sans partage à un « Axe du mal » désigné par leurs soins. N’est-il pas légitime de se demander qui sont les plus terroristes finalement : ceux qui s’avouent comme tels ou ceux qui avancent masqués et bardés d’une high-tech aussi obscène que performante ?). Mais le caractère idéologique de la référence à la volonté de paix à tout prix (qui administrerait la violence de l’idée pure du droit) ne témoignerait-il pas lui-même de l’irréductibilité de la conflictualité de la réalité humaine, ce qui pourrait justifier que l’on préfère la guerre à la paix ?

2 – La paix n’est pas le souverain bien ni même un bien, et la guerre n’est pas le souverain mal ni même toujours un mal mais (peut-être même) le souverain bien.

Vouloir la paix à tout prix, surtout de façon catégorique, bien plutôt que de garantir l’accès aux autres biens (la sécurité d’abord puis l’égalité et la liberté et donc finalement le bonheur tant espéré), ne mène-t-il pas logiquement et historiquement à la vouloir et à l’accepter ou l’instaurer au prix (au sacrifice) même de ces autres biens, qui seraient pourtant plus consubstantiels à l’humanité que la paix elle-même, comme la liberté et l’égalité essentiellement mais aussi la sécurité elle-même finalement, comme nous l’apprend Rousseau dans sa critique du prétendu droit d’esclavage par contrat : la meilleure façon de ne pas vivre en paix étant précisément de lui sacrifier sa liberté au profit d’un maître qui ne peut manquer de finir par se réclamer d’une telle démission pour asseoir sa domination totale, contre laquelle aucune critique ne peut alors plus prétendre valoir. Mais c’est surtout la déchéance morale qui en découle, ou même dont témoigne une telle aliénation de sa propre liberté, qui la condamne comme illégitime et peut et même doit lui faire préférer le souci de sauvegarder mais aussi promouvoir cette même liberté comme souverain bien faisant la dignité même de l’homme, à quelque risque que cela expose : ne faut-il pas savoir affronter le conflit des consciences mais aussi des cœurs et des corps et donc risquer quelque dommage, y compris le dommage suprême, la mort violente, pour préserver et même accomplir sa propre humanité et celle d’autrui comme étant digne car libre ? Ne peut-on concevoir, avec Hegel, l’assomption courageuse du risque de la mort violente comme la grande éducatrice de l’humanité à l’universel ? L’homme qui n’a pas de raisons de mourir en a-t-il encore de vivre s’il apparaissait que ce sont, finalement, les mêmes raisons ? Ainsi, non seulement la paix ne serait pas le souverain bien mais elle ne serait pas même un bien, si l’on accorde qu’elle finit toujours par endormir les consciences, les cœurs et les corps, alors que la guerre pourrait être un bien et même le bien souverain en ce qu’elle témoigne de la claire conscience de l’essentiel et surtout de l’exigence courageuse d’en prendre soin, témoignant ainsi d’une noblesse à qui répugne la bassesse ? L’horreur de la guerre fait alors place à l’honneur de la guerre. Mais alors plutôt que de vouloir la paix ne faudrait-il pas vouloir la guerre, et même la vouloir à tout prix si la sauvegarde et surtout l’accomplissement de l’essentiel en dépendent ?

3 – Il ne faut donc pas vouloir la paix, surtout à tout prix, mais lui préférer la guerre (la force brute ou le droit du plus fort, la force instrumentalisant le droit) pour accomplir réellement l’humanité comme humanité noble, courageuse, intraitable sur l’essentiel.

Il faut vouloir la guerre impérativement, de façon hypothétique certes, à la fois techniquement (car c’est elle qui témoigne de et augmente l’efficience pour la survie : la persévérance et même l’accroissement de son être propre dans l’être) et pragmatiquement (car c’est aussi elle qui procure la reconnaissance de soi par les autres comme être courageux qui mérite la gloire car « sachant se faire respecter »), mais il faut la vouloir aussi et surtout de façon catégorique car c’est la capacité et l’auto-obligation que l’on se fait d’affronter le combat quand il s’impose qui procure l’estime de soi-même comme être digne dont la noblesse intellectuelle et morale est de préférer la vie libre et exigeante à la survie serve et émolliente. Cela est vrai dans la vie privée individuelle et interindividuelle où, par exemple, les amours et les amitiés sans lâche concession pour « qu’on nous fiche la paix ! » se révèlent être à la fois les plus utiles (par la satisfaction de l’intérêt) et agréables (par le partage de plaisirs forts), mais aussi les plus fécondes par l’exigence intellectuelle (pour la vérité) et morale (pour la liberté) qui soudent les amants et amis courageux jusqu’à l’héroïsme, c’est-à-dire au sacrifice de soi, pour l’autre ou les autres êtres aimés. Cela est encore plus vrai dans la vie publique historico-politique, intra-étatique et bien entendu inter-étatique, là ou la guerre dépasse le simple conflit interindividuel pour trouver son sens plein d’affrontement armé ouvertement violent entre deux collectivités en vue de la domination et même de la destruction de l’une alors désignée par l’autre comme son ennemie (si le politique est bien le domaine qui trouve toute sa spécificité dans la décision de distinguer l’ennemi de l’ami et de lutter sans relâche et jusqu’au bout contre lui, comme y insiste Carl Schmitt). Il n’est pas nécessaire d’être un belliciste endurci, sans cœur et sans âme, pour reconnaître et même tenir que la guerre est souvent plus efficace que la paix pour assurer la subsistance et la puissance technique mais aussi pour imposer le respect, la reconnaissance pragmatique d’un État-nation dans le concert ou plutôt le conflit toujours au moins larvé ou potentiel entre les bien nommées « puissances », et même que la guerre est plus digne qu’une dérobade ou capitulation par lâcheté et esprit de soumission pour conforter la conscience de soi et la confiance en soi d’un peuple, d’une nation voire de toute une civilisation. On peut même tenir que seule une telle conception et attitude donne un sens réellement positif à l’existence, à l’encontre de la vacuité d’une vie négativement orientée par la référence à la non-violence comme seule valeur absolue (comme le fait remarquer Eric Weil). Chacun aura ici reconnu la logique de la thèse que l’on qualifie trop souvent de « belliciste » pour l’inculper ipso facto d’immoralité alors qu’elle n’est pas toujours soutenue avec cynisme mais jamais sans quelque réalisme, qui mérite considération ou du moins quelque attention, notamment pour ce qui est des rapports entre les États-nations, là où elle trouve son terrain de prédilection puisque c’est à ce niveau que la question « guerre ou paix ? » trouve ses enjeux les plus considérables. On peut ainsi juger que les rapports de puissance, et donc de force et même de violence, sont indépassables sur le plan international et que le droit des gens ou droit international (et donc l’idée même de paix par le droit sur laquelle il est fondé) constitue une illusion pour le moins angélique et donc inoffensive mais pour le pire dangereuse en ce qu’elle entretient la dangerosité du monde pour soi (État-nation mais aussi pour ses alliés voire pour tous) ou, plus radicalement encore, que le droit international est une invention des faibles à l’encontre des forts et que le mieux est de l’instrumentaliser ou de s’en écarter ou même de le combattre jusque dans ses institutions les plus symboliques, selon les circonstances, évaluées en référence à ses intérêts propres (comme en témoigne par excellence la politique actuelle des États-Unis d’Amérique mais de bien d’autres aussi). C’est pourquoi l’argumentation belliciste de Calliclès, Machiavel ou encore Nietzsche (à des égards certes différents) est reprise et étendue au niveau international par Spengler au siècle dernier et maintenant par Huntington, par exemple, au nom de l’indépassable conflictualité de la réalité humaine, désormais étendue à l’échelle des rapports entre les civilisations (dont chacune englobe une pluralité d’États-nations), qui seraient toutes originales et incommensurables les unes aux autres, ce qui justifie que l’on préfère la guerre (qui permet de préserver et même d’accroître une identité substantielle en l’exprimant et l’imposant aux autres : en « s’affirmant » donc) à une paix qui dilue les identités dans un processus juridique procédural et anonyme prétendument « juste », et que l’on veuille, prépare et fasse la guerre à tout prix, le vrai prix à payer pour « la paix à tout prix » étant la perte de la vie dans la vérité et la liberté, en tout cas de la vie bonne selon son identité la plus propre et donc la plus profonde. C’est pourquoi on peut estimer que la thèse du « choc des civilisations » (qui est celles des « faucons », qui ne sont peut-être pas tous américains quand même, à commencer par leurs ennemis les plus déclarés) est plus réaliste et donc plus légitime que celle de toutes les « colombes », c’est-à-dire « la paix par le droit », thèse à laquelle elle s’oppose théoriquement et pratiquement de façon frontale, même si dans la réalité historique cosmopolitique ou « mondiale » actuelle elles ne sont pas toujours faciles à démêler, notamment quand la seconde est instrumentalisée par la première (et réciproquement, peut-être). Mais cette thèse qui préfère la guerre à la paix, par souci de réalisme (pas toujours cynique mais parfois voire assez souvent éthique) et qui va jusqu’à faire de la guerre l’objet d’une volonté catégorique (« à tout prix »), en un renversement spectaculaire voire salutaire du pacifisme bien-pensant, ne relèverait-elle pas elle-même d’une erreur voire d’une illusion (les hommes ne sont-ils vraiment que des loups, des lions et des renards les uns pour les autres ?), et même de l’illusion la plus dangereuse en ce qu’à l’évidence elle augmente le mal ou la violence qu’elle prétend ne faire que constater pour s’en autoriser, notamment au niveau international ? La paix ne serait-elle pas quand même préférable à la guerre et donc au moins à vouloir comme telle ?

III – Il faut, certes, vouloir la paix impérativement mais sous condition qu’elle soit éclairée et émancipatrice, et ne pas refuser la guerre et même envisager de la faire voire la déclencher quand elle s’impose en vue de la liberté, mais aussi de l’égalité et de la fraternité (thèse pacifique).

1 – La thèse belliciste, qui fait de la conflictualité le principe constitutif (l’origine et le fondement et donc l’achèvement) de la réalité humaine, ne présente-t-elle pas, elle aussi, des limites et des pathologies ?

Si la thèse pacifiste peut relever d’une critique des idéologies [qui met en évidence que l’Idéal de la paix par le droit, représenté par la raison théorique et voulu et effectué par la raison pratique, témoigne d’une illusion dangereuse forgée de toute pièces par une raison qui prend ses raisons pour la réalité et exprime et masque à la fois sa propre volonté de puissance, révélant ainsi elle-même l’indépassable conflictualité de la réalité humaine qu’elle prétendait transcender)], comment la thèse belliciste pourrait-elle prétendre échapper elle-même à une telle critique ? Ne relève-t-elle pas, elle aussi, d’une illusion, mais empirique cette fois et non plus métaphysique, ou encore physicaliste et non plus idéaliste ? En effet, pour ce qui est du (premier) niveau anthropologique, la conception qui réduit l’homme à ses dispositions à l’animalité et à l’insociabilité (en déclarant qu’il n’est qu’un loup, un lion ou encore un renard pour l’homme, la ruse témoignant de l’instrumentalisation par la sensibilité, les besoins et les désirs, d’une raison alors réduite au calcul pour la puissance et la jouissance), n’ignore-t-elle pas la disposition de l’homme à la personnalité raisonnable et responsable, qui bien loin d’être elle-même toujours instrumentalisée par les deux premières dispositions témoigne de sa capacité pratique (éthique, politique, juridique, pédagogique) à les dépasser, intégrer et subsumer, comme par exemple dans l’amour et l’amitié par vertu (par bienveillance et bienfaisance réciproques), qui se révèlent utiles et agréables par surcroît ? Si « l’enfer c’est les autres » (comme on le retient toujours de Sartre), l’expérience empirique elle-même ne révèle-t-elle pas qu’assez souvent les autres peuvent être et même sont le paradis ? L’anthropologie pessimiste qui fonde la thèse belliciste ne témoigne-t-elle pas, au moins, de son aveuglement à l’égard de tout un pan de l’expérience humaine (la meilleure moitié, disons), ce qui finit par redoubler et même engendrer, au plus, un égarement belliqueux et même belliciste tout à fait dommageable, sûr de lui et dominateur sous prétexte de lucidité et même de courage, rendant par là même impossible ce que l’on a commencé par préjuger être irréaliste, c’est-à-dire la pacification des rapports humains ? N’est-ce pas au (deuxième) niveau, proprement politique, de l’expérience humaine qu’une telle illusion produit ses effets les plus dommageables puisqu’une anthropologie pessimiste finit toujours par fonder une science et une action politiques autocratiques, qui font reposer le vivre ensemble sur le droit du plus fort et du plus rusé, la paix, quand il en est encore question, tirant toujours son ressort de la peur de la mort violente ? Si une telle motivation, du contrat social pour le mieux (comme chez Hobbes) et du coup d’État pour le pire (comme chez Machiavel), ne peut être méconnue, c’est son absolutisation qui fait ici problème puisqu’elle ne saurait conduire qu’à « un accord pathologiquement extorqué » (c’est-à-dire soutiré à la raison par la sensibilité) : l’état de droit ou de culture n’est alors considéré et pratiqué que comme la continuation euphémisée par d’autres moyens de la guerre de tous contre tous de l’état de nature. Comment ne pas reconnaître qu’une telle science et action politiques, là encore, ne font que renforcer et même produire dans leur efficace « performative » ce qu’elles prétendent ne faire que constater au mieux (de façon hypocrite) et, au pire, assumer pour en profiter (de façon cynique), c’est-à-dire une conflictualité préjugée indépassable, en méconnaissant et donc rendant à proprement parler impossible, par là même, l’institution de la paix par un état de droit républicain reposant sur la vertu, c’est-à-dire sur l’amour de la liberté et de l’égalité par la médiation de la loi commune (comme l’expérience historique témoigne elle-même que cela est au moins aussi possible et même réel que le contraire ? Mais n’est-ce pas au (troisième) macroniveau des rapports entre les États-nations et maintenant les civilisations que les limites et pathologies de la thèse belliciste se révèlent le plus manifestement puisque c’est là que la guerre et la paix trouvent l’essentiel de leur signification ? Si la condition politique de l’homme relève bien de l’indépassable pluralité ontologique des individus et des collectivités, comment peut-on sans erreur épistémologique et sans faute éthique en conclure à un pluralisme ontologique et à un perspectivisme éthico-politique irréductibles ? Un tel jugement ne présuppose-t-il pas comme condition de sa propre possibilité et même validité une transcendance de la raison et donc de la connaissance objective que son énoncé même répute être impossible : pour juger que les civilisations, par exemple, sont toutes profondément originales et qu’on ne peut pas, à ce titre, les comparer ni surtout les subsumer, les synthétiser ou intégrer selon un même état de droit international pacificateur, ne faut-il pas les tenir toutes sous le même regard de la raison et commencer à les comparer, ne serait-ce que pour les juger, finalement, incomparables ? Pire encore : conclure du « polythéisme des valeurs » à l’inéluctabilité de « la guerre des dieux », ou encore de la pluralité et de l’authenticité des « identités culturelles » à un inéluctable « choc des civilisations », n’est-ce pas faire, théoriquement et pratiquement, de l’histoire des hommes un irrésistible destin dominateur et destructeur et se rendre soi-même sourd et aveugle aux vertus quand même pacifiantes des échanges internationaux (économiques, sociaux, politiques et symboliques), qui rendent de toute façon toujours déjà l’humanité inanalysable en termes d’éléments incommensurables les uns aux autres, surtout aujourd’hui ? Ce que défait positivement, ce que destitue ou désinstitue, l’actuelle thèse du choc des civilisations (qu’elle soit entendue de façon descriptive, pour le déplorer, ou de façon prescriptive pour s’en réjouir et y participer), c’est la longue et difficile histoire de la prise de conscience théorique de soi et de la prise de confiance pratique en soi de l’humanité comme genre, c’est-à-dire un ensemble d’éléments qui se ressemblent plus qu’ils ne diffèrent, ce dont les instances du droit international et l’opinion publique mondiale témoignent pourtant de plus en plus aujourd’hui au niveau cosmopolitique, dans un contexte historique de plus en plus adverse avons-nous dit, notamment du fait qu’il est maintenant justifié et alimenté par une idéologie communautariste ou civilisationniste va-t-en-guerre, instrumentalisée par les plus forts et les plus rusés du moment, idéologie qui se révèle déjà de plus en plus meurtrière et peut-être même, finalement, suicidaire pour l’humanité entière.

Mais si la thèse belliciste ne relève pas moins que la thèse pacifiste d’une critique des idéologies, semble-t-il radicale, reste-t-il encore quelque chose de ces deux options qui puisse clarifier la science et orienter l’action politiques, juridiques et éthiques, en termes de distinction du bien et du mal, ou du juste et de l’injuste, et donc ici de volonté de paix ou de guerre ?

2 – La guerre est un mal (un mal nécessaire étant donné la finitude de l’homme) et ne peut donc jamais être un bien en soi et surtout pas le bien souverain mais seulement un moyen, la paix étant un bien préférable à la guerre, certes, mais pas le souverain bien elle non plus.

Que la guerre soit toujours un mal (surtout quand elle est voulue et pratiquée « à tout prix », comme guerre totale donc), du fait des violences dominatrices et destructrices (chaotisantes) qu’elle comporte en elle-même aux niveaux interindividuel, intra-étatique et inter-étatique ou civilisationnel maintenant (pertes de biens matériels mais aussi et surtout de vies humaines, symboliquement et physiquement), aucun homme de bonne foi ne peut le nier, même les bellicistes qui ne la veulent et la pratiquent le plus souvent que comme un moyen de la gloire politique ou de la noblesse éthique, c’est-à-dire de la vie bonne telle qu’ils la conçoivent. Mais que ce moyen soit nécessaire en tant que tel, au moins parfois et quelque part si ce n’est même souvent, c’est ce dont la thèse du progrès social et moral par la médiation de la paix ne peut disconvenir à son tour, en reconnaissant que si la non-violence est bien la fin ou le but de l’histoire, elle ne peut se réaliser et même être envisagée sans la médiation de la violence, qui peut prétendre constituer un (sinon le) moteur d’une histoire qui avance le plus souvent par son mauvais côté et non pas par les bons sentiments, du fait de la finitude de la réalité humaine. Il y a, pour le moins, des violences légitimes, justes et même nobles : en témoignent la violence révolutionnaire intérieure de la guerre civile contre un pouvoir inique et les guerres de libération des peuples contre un oppresseur étranger, mais aussi, peut-être, les guerres d’extension des conquêtes démocratiques en matière de liberté et d’égalité contre des régimes autoritaires et surtout totalitaires, ce qui peut justifier le « principe d’ingérence » de la communauté (ou cité) internationale dans les affaires intérieures d’un État, sous certaines conditions (sur lesquelles nous reviendrons, en III-3). Cela suffit à invalider la thèse pacifiste, si l’on entend par là, en toute conséquence et cohérence, une conception théorique et une attitude pratique qui font de la paix le souverain bien, à préférer toujours et partout à la guerre que l’on s’interdit absolument d’envisager et surtout de faire. Il y a pourtant bien des guerres qu’il faut savoir mener, jusque dans l’amitié « et en amour aussi », comme le dit la chanson ! Mais, pour autant, comment ne pas reconnaître que la paix est tout de même préférable à la guerre, sinon toujours et partout empiriquement mais en soi, théoriquement, en ce qu’elle comporte des vertus cosmologiques ou cosmétiques, institutrices d’ordre et de vie, de survie, de vie commune et de vie bonne, pour les hommes comme pour le monde lui-même, naturel et culturel (paix alors justement qualifiée de « cosmopolitique »). Comment ne pas reconnaître, au fond, que le discours est préférable à la violence, par principe, en ce qu’il est plus objectif, du triple point de vue ontologique (l’homme qui pense et parle selon la raison accepte l’être des objets et des autres sujets dans leur altérité et intégrité), épistémologique (cet homme tâche de connaître adéquatement l’existence, l’essence et le sens de ces autres êtres) et pratique (il œuvre à leur soin et même à leur reconnaissance et à leur respect, et donc à leur persistance dans l’être et même à leur accroissement et accomplissement). La violence ne saurait se prévaloir d’une quelconque valeur égale à celle du discours, comme, par exemple, dans le cas de la fondation d’un grand amour (qui ne saurait se réduire à l’amour fou, destructeur à force d’« authenticité ») ou encore celui de la constitution d’une République forte ou ferme (qui ne saurait composer avec la violence anarchique ou même la simple insécurité), ce qui exige une subjectivation lucide et responsable des hommes par la médiation d’une universalisation conquise par la discussion et l’action pacifiantes. Mais la paix ne constitue pas pour autant le souverain bien, en ce qu’elle ne vaut que ce que vaut ce dont elle n’est que le moyen : une vie éclairée (par la vérité) et émancipée (par la liberté), vie bonne qui nécessite quelque combat armé, symboliquement et même matériellement (une double critique s’impose donc ici du décisionnisme radical qui fait du choix de la violence l’équivalent du choix de la raison comme étant tous deux également arbitraires, ainsi que de l’éthique de la discussion qui finit par diluer le combat dans le débat, au nom de « la paix à tout prix », notamment scolaire, par exemple, comme dans l’actuelle et récurrente affaire du port du voile islamique et des autres insignes religieux à l’école).

Mais ne sommes-nous pas entrés dans la considération de l’agir et donc de la volonté en évoquant la logique de la décision : que faut-il vouloir exactement et de quelle manière en matière de paix et de guerre ?

3 – Il faut donc vouloir impérativement la paix pour réduire progressivement et au maximum la guerre en instituant la paix par et pour la liberté et la vérité dans l’égalité et la fraternité (ce qui exige que l’idée et l’éventualité de la guerre soient conservées dans l’état de paix ou encore que la paix soit armée).

Si la paix est un bien principiellement, car objectivement et subjectivement, préférable à la guerre (qui est un mal, même nécessaire conjoncturellement) et si le discours est préférable à la violence (qui peut être légitime), il faut faire de la paix l’objet d’une volonté certes impérative mais pas exclusive (puisqu’elle n’est pas le seul bien et encore moins le souverain bien) et donc pas d’une volonté « à tout prix » ou encore totale. Vouloir la paix relève d’abord chronologiquement d’un impératif hypothétique (comme moyen technique de la survie dans la sécurité et moyen pragmatique de la vie commune selon un sens partagé), mais cela relève aussi, axiologiquement, d’un impératif catégorique proprement pratique ou moral en ce que la paix est nécessaire à l’accomplissement de la vie bonne, à condition d’être voulue comme un moyen de cette vie bonne, voire comme l’un de ses moments, qui n’en est qu’une condition négative (ou nécessaire) mais non positive (ou suffisante) : elle ne peut et doit être voulue impérativement que comme paix par et pour la liberté et la vérité dans l’égalité et la fraternité, ce qui permet l’accomplissement au mieux de l’humanité (singulière, particulière et générique) comme fin suprême.

Mais qui veut la fin doit aussi vouloir les moyens de sa réalisation dans l’histoire : quelles peuvent et doivent être les modalités de l’effectuation d’une telle finalité ? Il faut d’abord partir du constat réaliste du fait (massif aujourd’hui) de la guerre et vouloir la réduire au maximum : ce n’est pas parce que la guerre peut être légitime qu’il ne faut pas chercher à la limiter, à la civiliser par l’institution d’un droit de la guerre qui en réduise au maximum les pathologies, en permettant notamment de qualifier et donc de punir les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, mais sans criminaliser la guerre en elle-même car cela délégaliserait et surtout délégitimerait toute opposition violente à l’ordre ou au désordre établi en le pérennisant. Mais cette réduction progressive de la guerre par sa juridicisation et sa moralisation ne relève encore que de conditions négatives (nécessaires) et non pas positives (suffisantes) à l’établissement d’une paix qui ne soit pas seulement un événement conjoncturel, particulier et contingent (trêve, armistice, traité de paix…), mais un état structurel, universel et perpétuel. C’est pourquoi le droit de la guerre, qui peut rendre celle-ci « juste » (qualification que Kant refuse comme telle), ne peut faire l’objet que d’« articles préliminaires », à compléter par des « articles définitifs » de l’institution d’une telle paix et qui sont essentiellement que : « Dans tout état la constitution civile doit être républicaine » et « Le droit des gens doit être fondé sur un fédéralisme d’États libres » formant « une alliance de paix ». Pourquoi reprendre ici cette Idée kantienne sinon parce qu’elle semble bien présenter le maximum de complétude et de cohérence théoriques mais aussi d’effectivité pratique, aujourd’hui encore, c’est-à-dire plus de deux siècles après son élaboration et dans les circonstances historiques adverses que nous avons déjà signalées ?

En effet, la République est bien la meilleure forme de gouvernement, en ce qu’elle repose sur un « contrat primitif » qui sublime la liberté et l’égalité naturelles des hommes (en tant qu’êtres sensibles et raisonnables) en liberté et égalité civiles des citoyens selon des lois que le peuple, alors souverain, se donne à lui-même, les trois pouvoirs étant non pas « séparés » mais distincts et articulés, l’exécutif et le judiciaire émanant du législatif et le servant selon la force du plus droit qui se substitue ainsi au droit du plus fort. Chacun participant alors aux affaires de tous, à la chose publique (res publica), cette forme de gouvernement est la plus propice à la paix, paix intérieure certes (chacun étant protégé mais aussi le cas échéant puni par la même loi pour tous), mais aussi paix extérieure parce que le peuple n’a aucun intérêt à déclencher une guerre dont il sait qu’il sera le premier à en faire les frais et qu’il est naturellement enclin à respecter chez les autres peuples ce qu’il estime faire sa propre dignité, à savoir la souveraineté. Mais à cet effet encore faut-il passer au niveau international, pour établir entre les États-nations un droit des gens (ou international) qui garantisse la paix entre eux et donc aussi la paix dans la liberté et l’égalité à l’intérieur de chaque État-nation : c’est là le moyen international d’une paix intra-nationale juste, qui n’est encore elle-même que le moyen (national) de l’accomplissement de l’humanité dans la totalité de ses dispositions et aspirations (ce qui est la fin suprême ou le bien souverain). À ce propos, Kant parle d’une « Société des nations » dans « Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique » (1784) puis d’une « Alliance de paix » dans « Projet de paix perpétuelle » (1795). Ce qui est remarquable ici, c’est que Kant est passé entre ces deux dates de la perspective d’un État mondial (unique donc) à celle d’une confédération des États-nations qui suppose, comme telle, la diversité des États non seulement en amont du contrat qui les constitue en alliance de paix mais aussi et surtout en aval.

En effet, l’analogie du contrat social intra-étatique semble être adéquate pour penser et effectuer le passage des États eux-mêmes de l’état de nature (qui est un état de guerre actuel ou potentiel entre « puissances ») à l’état de culture (de paix instituée) : les finalités sont bien les mêmes (la sécurité ou la paix par et pour la liberté dans l’égalité) ainsi que les modalités (un contrat social ou politique entre les États, « une convention mutuelle des peuples » dit Kant). Cependant, cette analogie ne tient plus pour ce qui est de la forme de l’état de droit ainsi institué puisque, contrairement au droit civil intra-national, qui repose sur la subordination des citoyens à la puissance souveraine de l’État, le droit international ne peut-être fondé que sur l’entente d’États qui sont, bien entendu, souverains avant ce contrat mais aussi qui le demeurent à son issue, puisque c’est précisément cette souveraineté qu’il s’agit ainsi de sauvegarder, c’est-à-dire la capacité mais aussi l’obligation pour un peuple de décider de sa propre destinée en se donnant à lui-même ses propres lois en toute indépendance et autonomie à l’égard des autres États, ce droit des peuples à disposer d’eux-mêmes n’étant qu’une application politique du droit éthique des hommes qui en reconnaît et promeut les imprescriptibles liberté et égalité [mais n’est-ce pas déjà le cas des citoyens et hommes dont la diversité n’est pas supprimée mais sublimée par l’état de droit national s’il est bien libéral républicain ? ].

On conçoit donc tout l’intérêt d’une telle conception pour ce qui est de l’institution contemporaine du droit international et notamment de la constitution d’alliances entre les États (comme l’ONU au niveau mondial, mais aussi comme l’Europe, par exemple, au niveau régional), puisque ce cosmopolitisme juridique (minimal, peut-on dire), qui consiste à proprement parler en une confédération et non pas une fédération, permet d’éviter les deux écueils inverses mais complices de la thèse réaliste de la stricte séparation des États (ou des civilisations), ce qui pérennise l’état de guerre en le justifiant par avance, et de la thèse idéaliste de la fusion (ou confusion) des États qui priverait les peuples de leur souveraineté et les citoyens de leur liberté, au prétexte d’une paix « sans frontière » qui les soumettrait à un État mondial qui ne pourrait être que total et donc, finalement, despotique ou impérial (sous la figure d’un Grand Léviathan). Encore faut-il préciser, pour renforcer la validité théorique et l’effectivité pratique de cette solution confédérale d’inspiration kantienne, que la conscience politique doit prendre aujourd’hui une dimension réellement planétaire ou « cosmopolitique », en faisant de la liberté et de l’égalité des principes démocratiques valant pour tous les hommes, tous les États et toutes les civilisations, ce qui implique que l’on envisage d’user de la force autorisée par le droit de la communauté (ou cité) internationale (à commencer par la force de l’ONU elle-même, à qui il faudrait donner les moyens d’exécuter ses propres « résolutions »), pour faire respecter ces principes là où ils sont méconnus, c’est-à-dire ignorés ou méprisés (comme l’établissent Jaspers dans La bombe atomique et l’avenir de l’homme et Habermas dans Le bicentenaire d’une Idée kantienne).

Mais si l’Idée de la paix par le droit instituable par une telle « alliance de paix » peut sembler désirable ou « voulable » en théorie, qu’est-ce qui peut en garantir l’effectuation ou l’effectivité historique : n’est-elle pas qu’un roman, une chimère, ou encore une illusion qui ne saurait résister à la critique des idéologies déjà sollicitée plus haut ?

Une telle effectuation relève de conditions de possibilité à la fois objectives et subjectives puisqu’elle s’origine dans la condition humaine finie (« l’insociable sociabilité » des hommes en tant que créatures sensibles de la nature, dont la guerre constitue la forme extrême) et se fonde sur l’aspiration de l’humanité à l’infinitude par la médiation de la raison (qui est aussi une dotation ou donation de la nature à l’homme). En effet, la condition sensible de l’homme le pousse à la fois au conflit avec ses semblables pour la subsistance et la reconnaissance, et à la régulation de cet antagonisme pour en limiter les effets dominateurs et destructeurs (par peur de la mort violente surtout), notamment par la médiation de la raison rationnelle ou de l’entendement calculateur et donc du point de vue de l’intérêt bien compris, ce qui mène à un accord et à un état de droit « pathologiquement extorqué » à la raison par la sensibilité, ou encore à une civilisation technique et pragmatique subordonnée au besoin d’efficience et au désir de reconnaissance. Mais si la nature hors de et en l’homme suffit à l’accomplissement d’une telle civilisation technique et pragmatique, ce n’est encore là que la moitié du chemin à accomplir, puisque seul l’exercice raisonnable de la raison peut « convertir cet accord pathologiquement extorqué en un tout » intellectuellement représenté et moralement respecté et donc voulu, pour moraliser l’état de droit et sublimer la civilisation technique en culture éthique, ce qui est nécessaire à l’accomplissement de la disposition de l’homme à la personnalité mais aussi, en retour, à la satisfaction réelle de ses dispositions à l’animalité et à la société qui ne sauraient se suffire à elles-mêmes. En effet, si la nature prépare les individus et les États à « une société civile administrant le droit de façon universelle », encore faut-il, pour transformer cet essai, que « l’alliance de paix » fasse l’objet d’une Idée (ou représentation intelligible) qui permette de la penser, puis de juger de l’état empirique du monde à son étalon pour décider de la vouloir et de la réaliser toujours plus et mieux dans l’histoire, la liberté de l’homme accomplissant ainsi ce à quoi la nature le prépare sans l’y conduire par elle-même (comme y appelle Jaspers, encore, dans le même ouvrage, pour dépasser la motivation négative de la peur de l’arme nucléaire par la motivation positive de la volonté de paix par le droit).

Seule une telle conception anthropologique et historique (soucieuse du maximum de complétude et de cohérence en matière de connaissance et d’action) est susceptible de fonder une « politique morale » (comme, par exemple, celle de Gauvain dans « Quatre vingt-treize » de Hugo) qui permet d’éviter le réalisme politique cynique (la « real politic » des « praticiens » ou encore des « faucons »), qui ignore l’exigence théoréthique de vérité et de liberté de l’existence humaine ou la soumet à son besoin d’efficience technique et à son désir de reconnaissance pragmatique, mais aussi l’idéalisme politique dogmatique (du « moraliste despotisant », comme Robespierre, ou encore Cimourdain dans le même roman de Hugo), qui ignore les dimensions technique et pragmatique ou veut leur imposer autoritairement la logique des Idées du Vrai et du Bien, ce qui dans les deux cas augmente le mal en violentant l’humanité. Cette politique morale (qui ne sépare ni ne confond la morale et la politique mais les synthétise par la médiation du droit) nécessite que la volonté de paix notamment soit référée à un sujet qui ne soit pas seulement l’individu sensible ou rationnel mais aussi et surtout l’homme raisonnable, un être soi personnel (citoyen et homme) mais aussi collectif (peuple et genre humain) réflexif et actif. Mais ce sujet nécessite, à son tour, une subjectivation qui relève d’une instruction et d’une éducation, philosophiques notamment, de chacun et de tous, et donc une intervention des philosophes dans le débat et le combat publics, non tellement comme conseillers du Prince mais essentiellement comme instituteurs d’une opinion publique éclairée et donc responsable, comme Kant (encore) y appelle en faisant de l’usage public de la raison une médiation nécessaire de l’avènement de la paix cosmopolitique.

Conclusion

Il semble donc être à la fois légitime théoriquement et urgent pratiquement d’éviter les deux écueils que constituent les thèses pacifiste et belliciste dans leur unilatéralité respective, au triple niveau de l’anthropologie, de la philosophie de l’histoire et de la politique, « vouloir la paix à tout prix » se révélant finalement aussi illusoire et dommageable que d’être un va-t-en-guerre sournois ou déclaré, dans le triple domaine des rapports interpersonnels, intra-étatiques et inter-étatiques. Mais ce double évitement nécessite la référence à l’Idéal des Lumières de la paix universelle par le droit, qui n’est aucunement dépassé par la réalité historique contemporaine (notamment par le fameux « choc des civilisations »), contrairement à ce que prétendent les adversaires de cet Idéal dont la tâche est facilitée par ceux de ses partisans qui l’interprètent de façon pacifiste en en méconnaissant ainsi le véritable sens. Il s’agit donc de reconstruire cet Idéal pacifique (et non pacifiste, on l’aura compris), en en mettant en évidence la solidité théorique (en pensée) et la fécondité pratique (pour l’action) dans un contexte historique dont la nouveauté ne le rend pas désuet ou encore « obsolète » mais au contraire tout à fait nécessaire pour être lui-même pensé et affronté avec le plus de lucidité et de responsabilité possibles. Cela nécessite que l’on fasse d’une telle Idée et d’un tel Idéal les objets d’une instruction et d’une éducation, privées sans doute mais aussi et surtout publiques, qui les replacent dans le double projet de la sagesse personnelle (la paix intime de soi avec soi, comme intranquillité exigeante et non pas tranquillité émolliente de l’âme) et de la justice collective (la paix éclairée et émancipée dans les rapports aux autres et au monde).

Une telle action éducative (qui doit elle-même faire l’objet d’une volonté politique publique qui l’institue durablement, comme y insiste Eric Weil, par la médiation de l’école essentiellement) doit saisir l’occasion historique quand elle se présente, comme par exemple l’actuelle guerre des USA contre l’Irak, en tâchant d’échapper à la fois au réalisme belliciste des faucons et à l’idéalisme pacifiste des colombes, pour œuvrer à une politique pacifique qui donne toutes ses chances à la médiation discursive (au sein de l’ONU notamment, et de l’UNESCO pour ce qui est du nécessaire dialogue des cultures), tout en envisageant la guerre comme moyen de dernier recours. Cela me semble avoir été la position, légitime, de l’État français et de quelques autres, et même d’une bonne part de l’opinion publique mondiale qui s’est révélée voire constituée comme telle en cette circonstance, et qui ont tâché d’éviter le cynisme du droit du plus fort mais aussi l’angélisme du droit seul, juridique et surtout moral, ce au nom de la force du plus droit. C’est alors que la référence à l’Idée de paix par le droit peut témoigner de son universalité et de sa nécessité en transcendant son contexte historique d’émergence, particulier et contingent comme tel, pour éviter à la fois l’universalisme dogmatique et le relativisme sceptique qui tous deux alimentent le choc des civilisations en les faisant camper sur leurs identités respectives. Une telle Idée républicaine de la paix (armée de ses exigences symboliques mais aussi de ses instances matérielles) n’est-elle pas en mesure de réinstituer les individus (hommes et citoyens) mais aussi les peuples, les États et les civilisations, comme sujets de leur histoire et de l’histoire universelle, en intégrant et dépassant la référence néo-libérale à un processus historique sans sujet autre qu’un anonyme techno-droit procédural et la référence communautariste à des sujets substantiels sans histoire, qui risquent bien ainsi d’enfermer l’humanité dans un destin irréductiblement guerrier ? N’est-il pas plus urgent que jamais de concevoir et vouloir et donc pratiquer une telle Idée de la paix comme Idéal régulateur de la pensée et de l’action juridiques, politiques, éthiques et pédagogiques, dans un contexte historique dont on peut légitimement penser qu’il serait encore plus adverse si une telle Idée venait à se perdre dans les violences du nihilisme contemporain ?

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© Joël Gaubert