Éthique reconstructive et responsabilité politique

Assainir moralement la situation internationale requiert sans doute davantage que ce que l’on peut attendre des seules vertus d’une éthique argumentative. Au-delà, il conviendrait de porter l’éthique du discours sur le registre d’une éthique reconstructive. De quoi s’agit-il ? – D’une pratique du discours qui, à travers une thématisation que l’on souhaite coopérative, poursuit la reconstitution, par les intéressés, du drame qu’ils ont pu vivre avec toute leur subjectivité engagée dans une relation éventuellement jalonnée par le destin des oublis, des malentendus, humiliations et violences de toute sorte. Cette pratique requiert ainsi une attitude autocritique, une disposition à entendre la réclamation de l’autre et à reconnaître sa souffrance du point de vue de la violence que j’ai pu lui infliger, volontairement ou non. Mais elle suppose aussi une attitude correspondante chez l’autre, c’est-à-dire la même disposition à entendre mon propre récit, du moment que celui-ci se présente comme l’expression sincère d’un vécu authentique. Quant à ses idéalisations, l’attitude reconstructive attend du discours – et du discours seul, du moment que ses actes sont porteurs de reconnaissance – qu’il puisse mener à bien la réconciliation entre les protagonistes sur les ressources d’une ouverture autoréflexive et intersubjective. En cela, l’éthique reconstructive peut être regardée comme une éthique de la reconnaissance doublée d’une éthique de la responsabilité.

Jean-Marc FERRY