Jean-Paul BARBE, 10 décembre 1999
Nous vous remercions, monsieur Barbe, d’être venu ce soir nous initier à l’interculturalité avec autant d’érudition que de cordiale modestie.
Vous distinguez, d’emblée, deux sens du mot culture : le sens intensif de « langue » et le sens extensif de « totalité sociale », seconde acception que vous retenez prioritairement ici, pour vous interroger sur la naissance, le développement et surtout les échanges des cultures européennes (notamment par la médiation de l’école).
Vous nous confiez votre parcours de « philosophe émergent » qui se donne pour tâche ici de mettre en évidence les interactions entre l’anthropologie culturelle et la philosophie, interactions qui relèvent essentiellement de l’herméneutique que vous définissez comme connaissance de soi par la médiation de l’autre (de son regard, en particulier), le sujet éthique et politique gagnant toujours à connaître et reconnaître l’étranger qui est tout près de lui.
Puis, vous retracez l’histoire de l’interculturalité, qui se constitue progressivement à partir de l’hésitation primitive entre exophilie et xénophobie pour en venir à l’ouverture quasi touristique des cultures les unes aux autres, ouverture universelle que nous devons au siècle d’or des Lumières. Vous mettez alors en tension les deux attitudes de la clôture et de l’ouverture, les bonnes ou mauvaises raisons d’être indifférent à l’altérité de l’autre et les mauvaises ou bonnes raisons d’être fasciné par cette altérité (comme, par exemple, la naïveté de la référence actuelle aux « locuteurs natifs » dans l’Éducation nationale), autant de façons, dites-vous, de méconnaître l’autre et d’en faire mésusage. Pour échapper aux deux écueils réciproques de l’incommunicabilité (selon un réalisme sceptique) et de la transparence (selon un idéalisme euphorique), vous insistez sur la nécessaire négociation du sens, notamment par l’intermédiaire d’un tiers culturel.
Vous évoquez, enfin, des pratiques novatrices, dont les stages de « sensibilisation culturelle » qui ne font pas un préalable nécessaire de la maîtrise de la langue de l’autre culture, mais aussi la recherche interculturelle entre la France et l’Allemagne qui pourrait, voire devrait servir de modèle à des études européennes plus larges, qu’il est urgent d’entreprendre dans le contexte de l’actuelle construction de l’Europe.
J. GAUBERT